Les tribulations d’un (ex) astronome

Aube sur le Viso

vendredi 22 septembre 2006 par Guillaume Blanc

Assis dans mon duvet, dans la fraîcheur matinale de l’altitude, je contemple bouche bée le ciel qui déroule son aube sur écran panoramique juste là, devant mes pieds. Sur l’avant-plan cotonneux d’une infinie mer de nuage, l’orient encore baigné de nuit se pare tout doucement d’une couleur pourpre, sombre, subtile. Déjà la Lune nous a tourné le dos, les étoiles s’éteignent, une à une, noyées. La lueur colorée s’étend, au-delà de cette mer de coton, animée de vagues figées par quelque mécanisme intemporel. Elle s’élance vers le ciel. Coloration qui prend les mille visages du dégradé entre le rouge solaire et le bleu nuit. La nuit nous entoure encore. Un point brillant rougeâtre clignote à quelques cheveux au-dessus de cette ligne horizontale d’une exemplaire rectitude dans un déluge de pastels. Un avion ? Non, ce serait trop artificiel et briserait la magie de l’instant. C’est Vénus, qui se lève lentement au-dessus des limbes du chaudron solaire que l’on devine bouillonnant. Soleil qui talonne ce petit point blanc. Le reste du ciel est immensément bleu. Bleu nuit. Profond. La Lune se cache derrière les dentelles acérées d’une arête rocheuse. Vénus brille, elle est la seule. Sous la pâle petite étoile du berger, la lumière s’intensifie. Le jour s’installe autour de nous, nous révélant la voie. Le bleu nuit cède la place au bleu ciel. Le rouge solaire s’efface devant le jaune, plus intense.

C’est l’aube. Vénus se lève.

Samedi 9 septembre 2006. Après une nuit dans le train-couchette Paris-Briançon, je descends à Embrun. Un retour aux sources, parmi tant d’autres. José m’accompagne. Papa vient nous chercher à la gare. Nos sacs sont énormes, j’ai eu de la peine à tout faire rentrer : il me dépasse d’une bonne tête. Matos d’escalade, corde, quincaillerie, baudrier, matos de bivouac, duvet, matelas, tente au cas où, chaussures d’alpinisme, crampons, piolet. Notre indécision pèse ! J’avais proposé l’arête est du Viso, une voie sur laquelle j’avais lorgné l’année passée pensant que ce ne serait pas de si tôt à ma portée... José avait proposé la traversée de la Barre des Écrins, ou la pointe Louise ou encore celle des Cinéastes dans les Écrins. Finalement le Viso l’emporta, ce qui permit déjà de s’alléger du matériel de glace, piolet, crampons et autres broches. Le topo préconisait un brin de corde de 30 mètres, nous laissons donc la 55 mètres et prenons la 40 mètres. Toujours ça de gagné. Six dégaines, quatre friends, un jeu de coinceurs, nous voici parés ! Nous avions prévu de bivouaquer, au large du tumulte des refuges. Les prévisions météo sont optimistes : la tente va rejoindre ce qui reste en bas. Restent le réchaud, le gaz et la popote : chaud ou froid, le dîner et le p’tit déj’ ? Devant le poids de la chose, José se rallie à mon avis. Ce sera froid. Et nos sacs qui restent bien lourds ! Lourds, certes, mais portables, désormais. Du moins nous l’espérons. Car nous n’avons plus que le nécessaire !

L’approche...

J’emprunte la voiture paternelle pour nous transporter jusqu’à Castello, un petit village en Italie, de l’autre côté du col Agnel. Après avoir fait le plein de provisions à Guillestre, nous traversons le Queyras. Longue ascension du col dans un paysage d’alpages qu’il est surnaturel de parcourir en voiture. De l’autre côté, l’Italie, fraîcheur et nuages nous accueillent. Temps mitigé que prévoyait la météo, qui devrait s’estomper en soirée. Nous verrons bien. La route serpente, incongrue, au milieu des alpages. Nous nous arrêtons sur un parking juste après un petit patelin au bord d’un lac artificiel, Castello, à l’entrée du vallon de Valante. Midi quarante. Nous partons. Il fait faim, mais je me disais qu’il serait plus sympa de casser la croûte un peu plus haut. Nous rejoignons le sentier du Tour du Viso, que j’avais parcouru à la descente l’année dernière. Là, assis sur le même rocher, nous pique-niquons. Puis, nous amorçons la longue montée qui doit nous mener à proximité du refuge Quintino Sella, au pied de la face est du Mont Viso. Le sentier serpente dans une superbe forêt de pins cembros, la cembraie. Ce pin, symbole du Queyras, a une silhouette trapue, comme si celle-ci lui conférait la force nécessaire pour survivre à la rigueur des hivers alpins. Il contraste avec la silhouette élancée, qui semble si frêle, du mélèze aux côtés duquel on le retrouve fréquemment. Sa couleur, d’un vert foncé, qui garde une certaine touche de brillant, qui lui donne toute sa beauté. Ses épines, longues et fines, groupées par cinq, forment de superbes bouquets, tout doux sous la caresse. Le plus surprenant reste son fruit, cône qui ne ressemble à aucun autre : les pignes y sont énormes, lovés dans une gangue de bois protecteur, sous de larges écailles, elles font le bonheur du casse-noix moucheté, un oiseau étonnant qui fait des réserves de graines pour l’hiver. Parfois il oublie sa cachette, autant de graines qui vont ainsi pouvoir germer... L’oiseau assure ainsi la reproduction de sa source de nourriture. Un casse-noix qui déguste un cône de pin cembro laisse derrière lui une sculpture à la signature unique : chaque alvéole abritant une pigne, est ouverte en deux, le squelette du cône est alors orné de trous délicatement cerclés de blanc, la couleur du bois... J’aime beaucoup cette histoire de symbiose, monde végétal, monde animal, l’entente est ici parfaite.

Le sol est jonché de résidus de repas. Mais les cônes n’ont pas ce bel aspect que leur donne les casse-noix : l’alcôve qui abrite la pigne au lieu d’être joliment cisaillée en deux, a simplement disparue. Le cône se retrouve pitoyablement désossé. Quelque animal moins délicat serait-il passé par là ? Écureuil ? Je m’interroge. Peut-être que les casse-noix italiens ne procèdent pas de la même façon que leurs homologues français ? Pourtant il y a bel et bien des casse-noix dans le coin. Oiseau que l’on voit rarement, mais dans cette forêt, il ne pouvait ne pas y en avoir. Deux ombres furtives s’envolent dans l’air humide là-bas. Et puis j’en ai vu un, posé sur une branche, à quelques mètres du sol... Instant magique.

La cembraie dans le brouillard.

La forêt est plongée dans une atmosphère ouatée, les nuages descendent plus bas que terre, le brouillard se répand. Ambiance cotonneuse et solitaire. Les arbres deviennent fantômes, le chemin se perd dans les limbes, les arêtes qui nous entourent jouent à cache-cache avec les volutes nuageuses. Nous croisons peu de randonneurs. Après une longue montée relativement efficace, l’horizontalité reprend ses droits. Nous traversons un champ de pierres levées. Phénomène géologique étonnant, ou construction préhistorique vouée au culte du Soleil, autour du sentier, une quantité innombrable de pierres se trouvent magiquement calées en position verticale, subtils équilibres qui semblent défier les lois de la pesanteur. Lors de la traversée de ce lieu, l’œil du surnaturel nous guettait. Puis tout redevient normal. Les pierres entassées à plat, dans le désordre le plus naturel.

Col Gallarino. Première vue sur le Mont Viso, encore enturbannée de volutes brumeuses. L’arête est là, couronnée par la tour St Robert. Une réflexion s’est immiscée dans mon esprit tandis que je marchais. Nous sommes seulement deux jours après la pleine Lune. Ce qui veut dire qu’elle va se lever peu après le coucher du Soleil, et éclairer la voie, plein est, pendant un certain temps. Pourquoi ne pas commencer à grimper tout de suite ? La lueur lunaire devrait permettre d’y voir suffisamment, une fois la nuit tombée... À condition toutefois que la Lune ne soit pas masquée par quelque nuage. On bivouaquerait tant bien que mal dans la voie ou au sommet, pour avoir une belle vue sur le levé de Soleil. Je fais part de ces réflexions à José. Cette perspective semble le revigorer ! Allons voir de plus près ce que l’on peut faire. En arrivant au refuge Sella, nous avons parfaitement identifié le départ de la voie. Il est environ 17h. Nous avons probablement encore environ trois heures de jour devant nous.

L’arête est, à droite du couloir, se termine sur la tour St Robert... Le sommet est perdu dans les volutes brumeuses.

Petite pause au refuge, le temps de manger quelques fruits secs et de refaire le plein en eau. Il se remplit doucement, le refuge. Essentiellement des italiens. Qui continuent d’affluer par le chemin qui monte du nord, de Pian del Ré. Nous contournons le grand lac du Viso par le nord, pour nous rapprocher de notre objectif, avant de grimper dans les éboulis qui permettent de rejoindre le pied de l’arête est. Un névé verglacé et recouvert de pierraille descend du couloir qui longe l’arête, à gauche. Heureusement, nous pouvons prendre pied sur le rocher suffisamment bas pour ne pas avoir à faire les zouaves sur du terrain scabreux. D’ailleurs le départ est balisé, impossible de se tromper... Nous nous équipons, tandis que le flots de randonneurs qui arpente le sentier qui mène au refuge, en dessous, ne semble jamais se tarir.

Même la voie de l’arête est est balisée à grands coups de peinture jaune !

Le sac à dos se fait moins lourd, le poids s’est reparti sur moi. Les hanches récupèrent baudard et quincaillerie, la tête le casque, la corde flotte plus ou moins entre moi et José. Il démarre en tête. Je le suis, fatalement. Un petit ressaut d’escalade facile avant de prendre pied sur un système de vires, qui contournent aisément les difficultés. Nous progressons rapidement, d’autant plus que le chemin est balisé à grand coups de peinture jaune. Impossible de se perdre. Le charme de la recherche d’itinéraire s’en trouve quelque peu brisé, sans compter que peinturlurer la montagne comme ça, est-ce bien raisonnable ? Quelques pitons, par endroit, au centre de gigantesques cibles de peinture jaune. Immanquables. Une fois que l’on rejoint l’arête le balisage est toujours présent, mais il se fait plus discret, orange timide.

Le Soleil s’est couché depuis longtemps pour nous, dans l’ombre que nous sommes de la pyramide du Viso, mais il n’en continue pas moins d’illuminer les volutes de brumes qui s’échappent de la mer de nuages, au-dessous... Leur impétuosité se calme plus le crépuscule se rapproche : la mer s’aplanit. L’écume se fige.

Après 500 mètres d’escalade facile, nous arrivons sur une épaule juste sous la tour St Robert. Le jour se fait rare, la nuit est, cette fois, vraiment en train de tomber. Mes prévisions s’avèrent fausses : la Lune n’est pas encore levée, et il lui faudra un certain temps avant de franchir les derniers bastions nuageux qui traînent sur l’horizon. Ce n’est pas tout de suite qu’elle va nous éclairer. Nous sommes, nous semble-t-il, sur le dernier coin vaguement horizontal, pouvant permettre un bivouac relativement confortable. Un petit coup d’œil un peu plus haut nous dit que le prochain n’est pas pour tout de suite. Après une bonne demi-heure de terrassement, nous pouvons poser nos deux matelas, l’un derrière l’autre, sur un sol à peu près horizontal et à peu près plat. Quelques grosses pierres côté vide serviront de garde-fou. Au cas où. Et puis l’activité donnant faim, nous cassons la croûte. Il fait nuit. La Lune se lève, superbe disque rouge cendre qui émerge lentement de la couche de nuages qui baigne la plaine du Pô.

Ça commence à sérieusement cailler.

Bivouac quatre étoiles.

Nous dégustons le dessert au chaud dans nos duvets : petits pots de compote sans cuillère... En fait, je suis frigorifié. Je peine à me réchauffer tout habillé avec mes deux polaires engoncé dans mon duvet complètement fermé. Et puis j’ai dû m’endormir, car je me réveille en ayant d’un coup trop trop chaud. Je retire une polaire, j’ouvre le duvet. Ouf ! Je respire. La Lune s’est élevée au-dessus de l’horizon, elle illumine le paysage autour de nous. Pas particulièrement envie de reprendre notre escalade pour autant : la chaleur de la plume d’oie temporise nos ambitions. Nous attendrons l’aube pour ce faire. Elle éclaire surtout la mer de nuages qui repose à nos pieds. Le spectacle est grandiose. Peut-être est-ce pour ça que je ne dormirais pas beaucoup cette nuit-là. Pourtant je suis super bien installé : bivouac quatre étoiles. J’ai chaud dans ce super duvet. Peut-être est-ce la lumière de la Lune qui me gêne, ou bien l’altitude. Nous sommes à 3300 mètres, sans acclimatation. Ou encore ces courbatures dans les jambes, les 1900 mètres de dénivelés de la veille ne sont pas passés complètement inaperçus... Bref, quel qu’en soient les causes, je me tourne et me retourne dans mon sac de couchage, sans pour autant trouver le sommeil. Alors je regarde la Lune, les quelques étoiles qu’elle laisse percer, et le paysage alentour éclairé de sa lueur blafarde.

Il me semble entendre des voix. Je me redresse sur mon séant pour tendre l’oreille. Non, je ne rêve pas, des voix montent d’en bas. Il est 1h30. Je n’en reviens pas : des alpinistes m’ont piqué mon idée de grimper à la pleine Lune ! Moi qui aurait aimé arriver en premier au sommet, c’est visiblement foutu. Le faisceau de leurs frontales commence à balayer mon duvet par intermittence. Les voix se rapprochent. José se réveille. On éclate de rire ! Ils arrivent, tout étonné de nous trouver là. Une cordée d’italien. Ils n’arrivaient pas à dormir dans le refuge bondé. Ils sont visiblement en pleine forme, tout content d’eux ! Ils passent, nous restons comme deux couillons dans nos duvets. On les suis du regard sur l’arête, deux petites loupiotes qui s’agitent en tous sens. On les suit à l’ouïe : ils n’arrêtent pas de discuter ! Des italiens, en somme...

Leurs voix s’estompent, la nuit se poursuit, la Lune continue son chemin dans le ciel. Et moi, j’ai l’impression de passer mon temps à me retourner d’un côté sur l’autre sans parvenir à trouver le sommeil. Je prends mon mal en patience, et profite du ciel, de la Lune, qui éclaire la mer de nuages qui s’étend à nos pieds. Le cadre de cette chambre à coucher improvisée est superbe, irréel, magnifique. Peut-être est-ce pour en profiter au maximum que je ne parviens à fermer l’œil...

Je lève le nez vers l’horizon, devant mes pieds. La Lune penche déjà vers le couchant dans mon dos. Une fine amande pourpre s’est ouverte du côté du levant. Eh, José, debout, c’est l’aube ! Nous petit-déjeunons au lit, avec le spectacle de l’aube qui se lève devant les yeux. Plaisir rare. Il est 6h. Toutes les bonnes choses ayant une fin, il faut bien sortir de ce sarcophage à la douce chaleur dans le froid matinal — il gèle, -2 degrés, la condensation entre le sursac et le duvet se transforme en une multitude de paillettes — et se préparer pour poursuivre notre ascension. Le jour, d’abord timide, prend rapidement son essor. Nous partons, à nouveau bardé de tout notre attirail. Encordé. Je prends la tête. Bientôt, le Soleil émerge de l’horizon incandescent. Ses premiers rayon inondent le rocher avec bonheur, tout en jouant à saute-moutons sur les nuages de la mer qui comble la plaine ; ombre et lumière. Dans ces conditions, nous parvenons rapidement au pied de la tour St Robert.

José, sur l’arête.

Et là, nous décidons de faire le détour par le sommet. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Deux petites longueurs de quatre, un relais au milieu, un vieux piton tout rouillé trouvé, et nous voici sur une surprenante plateforme : la tour est tronquée, le sommet est tout plat. Belle vue de là-haut. Belle vue aussi sur l’arête que l’on domine. Et sur nos premiers poursuivants... C’est ça que de faire la grasse matinée : on se fait rattraper par les lève-tôts ! Nous sommes les seuls à avoir fait le détour : normal que l’on se fasse doubler. Moi qui rêvais d’arriver sur un sommet encore vierge de sa foule journalière. J’ai bien peur que ce soit raté ! Nous poursuivons notre cheminement sur l’arête, louvoyant entre les gendarmes. Un coup à droite, un coup à gauche. Pendant ce temps, les cordées nous dépassent allègrement. Nous retrouvons le « bon » chemin, juste derrière deux cordées qui n’avancent pas. On dépasse. Dernière petite longueur, pour déboucher sur du terrain plus facile, et rejoindre peu après l’autoroute de la voie normale, une dizaine de mètres avant le sommet.

Au sommet, loin des foules ?
L’autre sommet, caché !

Là, la solitude des cimes n’est plus qu’un doux rêve. Incroyable le peuple qui orne (défigure ?) le sommet de la montagne ! Ça me rappelle quand je suis monté là pour la première fois, il y a quatre ans, par la voie normale, avec ma sœur. Dès qu’il fait beau, le Viso attire les foules, tout comme il attire la foudre quand le temps se gâte ! Sauf que cette fois-ci, nous arrivons à nous frayer un chemin jusque vers la croix, pour constater qu’il y a un second sommet un peu plus loin ! Nous nous empressons d’y aller, en quête d’un ersatz de tranquillité. D’ailleurs, ça tombe bien, on s’y retrouve seuls. Le panorama est stupéfiant, du Valais au nord, le Mont Rose émerge des nuages au-delà de Turin, à l’extrême est du Mercantour au sud, sommets méditerranéens qui dépassent de la mer de nuages comme un archipel d’îles aux pics acérés, en passant par le Mont Blanc, les Écrins... Tout l’arc alpin nous entoure, nous survolons les montagnes environnantes : le Viso dépasse d’une bonne tête ses voisines. Bien évidemment l’Italie se cache comme toujours sous son édredon de nuages : la plaine du Pô est décidément bien prude et laisse pas voir sa platitude à tous ces quidams alpinistes. La plaine du Pô, elle se mérite !

Nous cassons la croûte, nous nous débarrassons du baudrier, de la corde, et nous attaquons la descente vers midi. Épique. Entre ceux qui montent (heureusement, ils sont rares à cette heure !), et ceux qui descendent et n’avancent pas dans les passages un peu délicats, ce n’est pas une sinécure que de descendre de là-haut ! José trace. Je fonce, mais ne parviens pas à le rattraper. Je commence à avoir mal aux jambes. Courbatures de la veille, auxquelles s’ajoutent les trépidations de la descente sur la machine. Je rejoins José au niveau du bivouac Andreotti. Le névé, qui faisait office de glacier autrefois, et qui en août 2002 remontait jusqu’au départ de la voie normale et rendait nécessaire les crampons sur la neige dure du petit matin, s’est rétrécit comme une peau de chagrin, et seule une flaque de neige subsiste là-bas, dans le creux de la cuvette... La descente se poursuit dans les pierres d’éboulis. Pas vraiment de chemin, mais un balisage toujours intensif nous empêche de nous perdre.

Il y a du monde partout. La relative solitude de la veille s’est transformée en une vaste ronde d’alpinistes et de randonneurs, italiens pour la plupart, qui caquettent à tout va, sans arrêt, et suffisamment fort pour qu’on les entendent venir de loin. De très loin. Je me demande où ils trouvent le souffle pour ce faire, tout en marchant. À la foi admiratif sur les capacités pulmonaires de nos voisins transalpins, et désireux de mettre le plus de distance entre eux et moi, histoire de retrouver ce silence auquel j’aspire en montagne, je cavale en silence. Au milieu des pierres,

Le lac de Forciolline.

apparaît bientôt le lac de Forciolline, superbe pièce d’un bleu profond, lové dans la caillasse. Un peu plus loin, un bivouac tout neuf, sorte de soucoupe volante de métal posée au beau milieu de nulle part, présence quelque peu incongrue dans cette plaine minérale, autour duquel des randonneurs prennent le Soleil. Nous ne nous arrêtons pas, dans un désir commun d’en finir au plus vite avec cette descente qui nous pèse sur les épaules et nous meurtrie jambes et pieds, à force de gambader de cailloux en cailloux. Décidément, vivement cet hiver, où l’on pourra glisser avec plaisir sur les mètres de neige qui recouvriront toute cette caillasse. Parce qu’en été, quand même, la descente, quel calvaire ! Mille mètres, ça va, mais plus de deux milles, pfff...

Au-delà du bivouac aménagé, le silence revient, avec la solitude. Nous ne croiserons que peu de randonneurs sur ce sentier qui descend tout droit le long du torrent. Peu de randonneurs, mais encore beaucoup de cailloux. Des cailloux jusqu’en bas, en fait, où le chemin rejoint les alpages du vallon de Valante. J’ai soif, les trois litres dont j’avais fait provision au refuge la veille ont disparu depuis belle lurette. J’ai mal aux jambes, aux genoux, aux pieds. Bref, rien ne va. Et l’altimètre qui descend si lentement. Je profite à peine du paysage, pourtant superbe, cela va de soi. Peu de photos. Je trace, sans m’arrêter. En débouchant dans la vallée, à nouveau des randonneurs. Italiens, caquetant à tue-tête. Ils sont juste à côté de l’endroit où j’avais bivouaqué, il y a quatre ans, avec ma sœur. J’avais déjà mal aux pieds à l’époque. C’était même bien pire. Comme quoi, avec le temps, on s’améliore quelque peu !

Petite pause dans l’herbe. De l’herbe ! Puis fin de la descente sur le large sentier terreux, donc agréablement molletonné, du vallon de Valante. Nous sommes bientôt à la voiture...

Vallon de Valante.

D’autres images de mon cru : entre le ciel et les nuages...

Les photos de José : complémentarité, réciprocité.

Le topo sur Camp2Camp : Mont Viso : arête est.


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