Yéti et skitourenguru : des outils pour gérer le risque d’avalanches
J’ai assisté mardi 3 décembre dernier à la mise à disposition du public de deux outils web d’aide à la préparation des courses de ski de randonnée dans la montagne hivernale. Une conférence de presse et une conférence devant les pratiquants et acteurs de la montagne étaient organisées à Grenoble par la Fondation Petzl.
Ce même jour, les premiers exemplaires de la nouvelle édition du livre de Philippe Descamps et Olivier Moret sont également arrivés, tout chauds ! Cette nouvelle édition (disponible mi-décembre en librairie) inclut un chapitre de présentation de ces outils numériques.
Günter Schmudlach a présenté l’outil qu’il développe depuis 2013 en Suisse, en ligne dans ce pays depuis 2015, skitourenguru.ch [1]. À partir d’itinéraires topographiés et numérisés, il intègre le degré de danger d’avalanche fourni par le bulletin d’estimation du danger, avec un certain nombre de paramètres autour du caractère avalancheux de la pente, moulinés par la méthode de réduction quantitative (MRQ) qu’il a développée, ce qui permet d’avoir un risque quantifié par morceaux sur ces itinéraires de ski de randonnée en Suisse. Günter est en train d’exporter son outil dans les autres pays de l’arc alpin, et déjà près de 300 itinéraires existent dans trois massifs de l’Est grenoblois (Belledonne, Lauzière, Beaufortain).
Jacques Beilin a ensuite présenté l’outil Yéti qu’il a développé dans le cadre de projets étudiants à l’École Nationale des Sciences Géographiques (ENSG), l’école de l’IGN. Cet outil permet de calculer un niveau de risque sur toute la carte en fonction d’un degré de danger et selon les trois méthodes de réduction du risque de Munter : méthode de réduction pour débutants (MRD), méthode de réduction élémentaire (MRE), méthode de réduction professionnelle (MRP). Contrairement à skitourenguru qui donne un niveau de risque pour un bulletin donné (récupéré en direct sur l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF) pour la Suisse et Météo France pour la France), Yéti demande à l’utilisateur de rentrer manuellement les informations du bulletin, degré de danger, altitude, orientations, et de choisir une méthode. Yéti était en phase de test la saison dernière avec un panel d’utilisateurs variés dont j’ai fait partie. Il est désormais accessible à tous par l’intermédiaire de la plateforme du site collaboratif associatif camptocamp.
Les deux outils apparaissent ainsi complémentaires : skitourenguru permet de choisir une course aux alentours d’un point de départ en fonction de différents critères, dont celui du risque auquel on accepte de s’exposer compte tenu des conditions dictées par le Bulletin d’Estimation du degré de Danger. Yéti permet de préparer sa course en évitant les principaux pièges liés à la pente et à l’orientation.
Philippe Descamps et Olivier Moret ont terminé en montrant une application directe de ces outils, sur deux randonnées que nous avions faite ensemble en mars 2019 au cours d’un week-end dans Belledonne. Cet exemple figure d’ailleurs dans le nouveau chapitre de leur livre (chapitre 2).
La gestion du risque d’avalanche progresse donc, il faut que les pratiquants, amateurs et professionnels, s’emparent de ces nouveautés comme ils se sont emparés de la carte des pentes mise à disposition par l’IGN et le Géoportail en 2016. Ces applications sont le résultat des dernières avancées scientifiques en terme non seulement de connaissances des avalanches, de gestion du risque, mais aussi de cartographie (les deux applications s’appuient sur un Modèle Numérique de Terrain (MNT) qui est une donnée d’altitude mesurée sur une échelle de quelques mètres), ainsi que de traitement massif de données, puisque skitourenguru s’appuie sur des analyses de type « big data », avec entre autres l’intégration de plus d’un millier d’accidents d’avalanche répertoriés et de dizaines de milliers de kilomètres de traces GPS. Les auteurs ne vont probablement pas en rester là, ils ont pas mal d’idées pour aller encore plus loin !
Bien entendu, il s’agit d’une « aide » à la préparation de la course, qui permet éventuellement de quantifier le niveau de risque que l’on juge acceptable pour soi, et qui ne dispense pas de réfléchir avant de prendre une décision. Ce sont des outils de préparation : choix de l’itinéraire optimal, choix de points de décision sur le terrain ; ils ne sont d’aucune aide à la décision sur le terrain, où seule la vigilance avec les indices naturels permet de la guider (avec une méthode de réduction). Ils sont néanmoins là dans le but de « rationaliser » des choix en amont compte tenu des conditions prévues.
Il faut ainsi, comme tout « outil », apprendre à s’en servir et en connaître les limites. Mais un pas décisif est ainsi fait, espérons que l’utilisation de ces applications permette de diminuer la moyenne morbide de 30 morts par avalanches en France, stable depuis des décennies.
[1] Skitouren en suisse-allemand signifie randonnée à skis, il se prononce quelque chose comme « chitouraine » ; guru, c’est le gourou (ça se prononce « gourou »)), un clin d’œil pour signifier qu’on est à l’opposé d’un gourou, l’outil est basé sur des concepts rationnels.
Guillaume Blanc
Articles de cet auteur
Mots-clés
Site réalisé avec SPIP + AHUNTSIC
Visiteurs connectés : 4