Les tribulations d’un (ex) astronome

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Le nucléaire, pour ou contre ?

samedi 18 décembre 2010 par Guillaume Blanc

On voit partout, depuis toujours, des campagnes « anti-nucléaires » et pas seulement pacifiques... Pourquoi pas, il faut bien que tout le monde s’exprime... D’autant que la production d’électricité nucléaire produit effectivement des déchets très dangereux, à manipuler avec précautions, et dont on ne sait pas vraiment se débarrasser : une véritable saloperie. Le commun des mortels sait que c’est dangereux, mais sans vraiment savoir pourquoi. Il ne sait pas vraiment ce qu’est la radioactivité, phénomène physique qui se trouve être à l’origine de cette toxicité des résidus de fission, mais tout un chacun sait qu’il vaut mieux pas s’en approcher de trop près, et que ça dure parfois très très longtemps — mais ça finit par disparaître. Un danger invisible ! Et insidieux ! Car la radioactivité ne tue pas tout de suite comme des poisons organiques violents tella toxine botulique, non, elle prend son temps : un produit radioactif ingéré ou respiré va détruire les cellules de l’intérieur, à petit feu, et provoquer des cancers, plusieurs années après l’exposition. Rien de tel pour focaliser les terreurs ! Et pourtant, la radioactivité, nous la côtoyons tous les jours : notre corps contient du potassium 40 et du carbone 14, tous deux radioactifs, qui dégagent donc au sein même de notre organisme ces mortels rayonnements. Nous vivons également tous dans un environnement plus ou moins naturel, qui dégage également de la radioactivité... Vous l’avez compris, la radioactivité, c’est comme tout, c’est une histoire de dose !

ou
 ?

Je voudrais rappeler certains points qui relativisent un peu l’« incommensurable » danger du nucléaire. Pourtant, pour rien au monde je ne souhaiterais léguer à mes enfants un stock de ces déchets radioactifs produits par nos centrales. Mais pour rien au monde je ne voudrais leur léguer une planète au climat détraqué... Parce que ça, ils auront infiniment plus de mal à s’en remettre que de quelques milliers de tonnes de déchets radioactifs.

 Le fantôme de Tchernobyl

Citer Tchernobyl, c’est le leitmotiv des opposants au nucléaire. 1986, donc encore largement présent dans toutes les mémoires (même la mienne, et pourtant ceux me suivent un peu ici bas savent combien elle est percée, ma mémoire !), un nuage radioactif sans frontière, des champignons contaminés, des mensonges de nos gouvernants, il n’en faut pas plus pour cristalliser la haine contre cette chose qui certes nous éclaire, mais qui tue aussi, accessoirement. Un nombre total de morts depuis la catastrophe (donc en vingt ans) allant de 50 000 à 150 000 selon les estimations, et peut-être 7 millions de personnes affectées. C’est énorme. Le simple mot « Tchernobyl » suffit de fait à déclencher la peur, peur panique d’un ennemi invisible, invincible et mortel.

D’un autre côté, un autre ennemi, que tout le monde connaît et que tout le monde côtoie, plus ou moins à son gré : le tabac ! Le tabac fait plus de 60 000 morts par an en France, et 5 millions dans le monde. Sans compter les dommages collatéraux. Le tabac, c’est plus de trente « Tchernobyl » par an dans le monde !

Le nucléaire fait peur, parce que l’on sait que c’est dangereux, mais le grand public ne sait pas vraiment pourquoi ; alors que le tabac, on sait que c’est dangereux, tout le monde sait pourquoi, mais (presque) tout le monde fume, chercher l’erreur !

Le tabac ne sert à rien, coûte des milliards à la société, mais tout le monde (ou presque) s’en fou. Le nucléaire sert à s’éclairer, se chauffer, se déplacer, etc, et ce sans (trop) emballer l’effet de serre, et tout le monde lui tombe dessus à bras raccourcis...

Étrange paradoxe de notre société !

Pour élargir la chose au risque d’accident nucléaire en France, qui, bien que non nul, est tout de même très faible. L’Autorité de Sureté Nucléaire recense tous les incidents, même mineurs, sur le parc nucléaire. On constate ainsi que la quasi-totalité des accidents répertoriés sont en fait des incidents sans aucune conséquence. Évidemment que le risque zéro n’existe pas ! La perfection n’est malheureusement pas de ce monde ! Et parce que les « incidents » nucléaires sont publiés, faudrait-il y voir le spectre de la mort roder ? L’industrie chimique fait-elle de tels efforts ?

Je subodore néanmoins que sous-jacent à cette « Autorité », réside le travail de fond des anti-nucléaires : ils ont ouvert la porte à la transparence, et c’est tant mieux. À quand des « anti-chimistes » ?

 Le réchauffement climatique

Parlons-en justement ! À mon sens l’emballement de la machine climatique est quelque chose qui fera — qui fait déjà ! — beaucoup plus de dégâts et de victimes que le nucléaire. Pas forcément dans nos pays « développés » aseptisés (encore que des canicules comme celle de 2003, des tempêtes comme celle de 1999 pourraient faire pas mal de victimes, même chez nous, quand ce type d’évènement météo deviendra courant...), mais dans les pays dit du Tiers-Monde, bien plus à la merci des caprices de l’atmosphère ou de la montée des eaux océaniques. Avec inévitablement des retombées chez nous, qui, si elles ne seront pas d’ordre climatique, seront d’ordre politique et/ou économique. Les victimes en seront indirectes mais néanmoins victimes ! Le réchauffement concerne tous les habitants de la planète.

Ce réchauffement inexorable m’effraie bien plus que le nucléaire. Nucléaire qui ne contribue pas (trop) au réchauffement, puisqu’il rejette seulement des produits radioactifs — en dehors de la construction des centrales et de l’extraction du minerai d’uranium — (et de l’eau chaude, ce qui nuit aux écosystèmes des fleuves situés en bordure des centrales, j’en conviens) en quantités précisément mesurables. De fait, la France, forte de ses 80 % d’énergie électrique d’origine nucléaire, fait figure de bonne élève en matière de rejets de gaz à effet de serre, tandis que l’Allemagne, avec ses centrales à charbon fait office de dernière de la classe. Néanmoins, contrairement aux États-Unis, qui eux sont tels les cancres qui la boudent la classe, l’Allemagne fait des efforts considérables pour retrouver l’estime de ses voisins, changeant ses centrales à charbon contre des centrales à gaz...

Je pense pour ma part que le nucléaire est un « mal » beaucoup plus facilement contrôlable que l’emballement de la machine climatique. Les déchets nucléaires restent produits localement. Leur volume n’est pas indécent, il faut seulement les entreposer sagement dans un coin tranquille pendant quelques dizaines de milliers d’années. Avec l’espoir tout de même que l’on parvienne à transmuter les éléments radioactifs en éléments stables, un jour : après tout la physique nucléaire a réussi le vieux rêve des alchimistes, transformer le plomb en or... Pourquoi ne parviendrait-on pas à transformer le plutonium en plomb ? L’effet de serre affecte la planète dans son ensemble, ce qui par là même pose le délicat problème de pouvoir espérer en contrôler le développement et l’impact : à l’heure actuelle, c’est chose impossible. Il est évident, que ni l’un ni l’autre ne sont satisfaisant. Mais à choisir, le nucléaire me semble beaucoup plus sûr à court terme. Car l’avenir appartient bien évidemment aux énergies renouvelables et surtout aux économies d´énergie. Avenir car pour l’heure actuelle, si celles-ci peuvent et doivent participer à la consommation globale, il est techniquement impossible d’envisager une production d’électricité entièrement éolienne, tout en conservant notre « confort » d’homme soi-disant « moderne » : nous sommes tout bonnement incapable de stocker l’électricité, et donc de pouvoir pallier aux caprices d’Éole. Imaginez le calme plat en plein milieu de la finale de rugby, les télés qui s’éteignent une à une : ce serait tout simplement l’émeute ! L’énergie renouvelable devra forcément être un patchwork entre l’éolien, le solaire, la biomasse...

le nucléaire reste une énergie non renouvelable, les stocks de matière première, l’uranium, pourraient être épuisés d’ici 10 à 20 ans. Encore que selon l’Agence de l’Énergie Nucléaire ce ne soit pas le cas... En fait il semblerait que tout dépende du prix que l’on est prêt à y mettre pour l’extraire !

 Alors {quid} ?

Un matin, sur France Inter, Stéphane Lhomme du réseau Sortir du nucléaire disait : « Sortir du nucléaire et réfléchir sérieusement au réchauffement climatique... » « Être écologiste, c’est être contre le réchauffement ET contre le nucléaire ! » Que c’est beau l’utopie ! Évidemment, sur le papier, ça marche ! J’aimerais bien savoir avec quoi il s’éclaire ce brave monsieur ? Est-ce qu’il pédale pour regarder sa télé ?

Il parlait de l’énergie hydraulique, une énergie à peu près propre... Certes. En faisant néanmoins abstraction des vallées de montagne sacrifiées pour ce faire, englouties sous des dizaines de mètres d’eau ! Le résultat peut être réussi surtout si on n’a pas connu la vallée avant, comme le lac de Serre-Ponçon dans les Hautes-Alpes, ou bien désastreux, comme le raté du Vajont dans les Dolomites...

Ceci étant une retenue hydraulique, c’est de l’énergie électrique stockée, disponible en très peu de temps. Actuellement elle sert en France à subvenir aux besoins en cas de surconsommation ponctuelle et imprévue, ce que le nucléaire est incapable de faire. Pour certains, le réseau est saturé, pour d’autres, des potentialités de développement existent encore en France. Tout n’est pas perdu. Enfin, si l’objectif n’est pas de sacrifier encore quelques vallées sur l’autel du réchauffement, mais plutôt d’améliorer le potentiel existant...

Mais alors s’il faut arrêter la production d’énergie thermique d’urgence, s’il faut malgré tout « sortir du nucléaire » à moyen terme, si l’éolien n’est pas fiable, si le solaire est trop cher, si l’hydraulique est plus ou moins saturé, que reste-t-il ? Les économies d’énergie ! Diminuer notre consommation. Ce que prône Stéphane Lhomme. Une évidence. Mais il ne faut pas se leurrer, nous ne parviendrons jamais à une consommation « raisonnable » d’un point de vue environnemental, tout au moins à moyen terme. Donc arrêter le nucléaire du jour au lendemain est complètement irréaliste. Autant poursuivre l’effort, construire de nouvelles centrales, plus sûres, plus modernes, plus rentables, rejetant moins de déchets que les plus anciennes. Remplacer du vétuste par du moderne. En attendant de pouvoir vraiment s’en passer, espérons-le, un jour.

D’où la construction d’un nouveau réacteur à Flamanville, autre cristallisateur des passions.

Ce qui me frappe dans le discours des anti-EPR, c’est qu’ils mettent en doute que ce réacteur sera plus efficace et plus sûr que les précédents. Or il s’agit de la même technologie que l’ensemble du parc électronucléaire français, dite « REP » (Réacteur à Eau Pressurisée — PWR en anglais). Donc rien de fondamentalement nouveau, si ce n’est que la chose est de troisième génération, donc « mieux » : meilleur rendement, meilleure rentabilité, sécurité accrue ! En plus son objectif est d’utiliser 100 % de combustible MOX, ces déchets retraités... Donc pas de quoi lui en vouloir sur ces points ! Certes, la sécurité ne sera pas parfaite. Mais peut-elle seulement l’être, parfaite, le sécurité, en ce bas monde ?

Bon, les anti-EPR ont de quoi de pavoiser, le chantier est un gouffre financier, et de surcroît la livraison aura du retard. Projet mal géré...

On peut quand même imaginer que dans quelques siècles, si le couvercle de la planète n’a pas sauté pour cause d’ébullition, les progrès sociaux et technologiques permettront une vie plus en adéquation avec l’environnement. Utopie ?


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