J’ai toujours adoré me déplacer en vélo. Quand j’étais gamin, le vélo, c’était la liberté. Bien qu’habitant à la campagne, montagneuse, je dépendais de la voiture de mes parents pour aller au collège puis au lycée, pour aller au cinéma, ou chez les copains, la ville la plus proche était à 9 km, 70 m de dénivelé à l’aller, 250 au retour. Le vélo a été un bon moyen de m’en affranchir.
Plus tard, étudiant, sans voiture, j’ai utilisé un peu les transports en commun, mais j’ai rapidement détesté les bus, l’alternative a été le vélo. À Aix-en-Provence, puis à Caen. Puis à Meudon. Puis entre Igny et Saclay où je faisais ma thèse. En Californie, je mettais un point d’honneur à grimper dans les collines surplombant Berkeley en vélo, pour rejoindre le LBL. De nouveau en France, entre Orsay et Saclay. J’ai ensuite passé un peu de temps à Paris, habitant en banlieue, RER donc. En Italie, à Padoue, j’ai retrouvé le plaisir d’aller bosser en vélo, c’était plat. De retour à Paris, ce fut plus dur. RER, de nouveau. Puis j’ai changé de laboratoire il y a quelques années, et là, à nouveau vélo, c’était l’objectif. Je faisais encore les trajets Palaiseau-Paris en RER pour aller enseigner deux fois sur trois, et une fois en vélo (50 km aller-retour) avant le covid. À l’automne 2020, ne souhaitant pas m’exposer dans le RER, j’ai décidé de tout faire à vélo, soit trois aller-retours par semaine, quels que soient l’heure et le temps (même de bon matin, de nuit, sous une pluie battante pendant la bonne heure que dure le trajet). Entre Palaiseau et le campus d’Orsay, j’ai quatre kilomètres de pédalage, relativement tranquilles sur des routes peu fréquentées, en bordure de l’Yvette, bucolique, sauf pour la traversée d’Orsay, avec un carrefour vraiment pourri, mais la sérénité revient en longeant le lac du Mail, ses lumières matutinales délicieuses, de l’hiver à l’automne, le héron perché sur sa rambarde, inévitablement.
L’endroit pourrait être un paradis cycliste, un paradis tout court, mais la voiture y est toujours omniprésente. Il faut faire attention en permanence. Cela ne me freine pas, je suis et je reste à vélo. J’adhère à l’association Mieux se déplacer à bicyclette (MDB), dont l’antenne palaisienne est animée, entre autres, par un couple d’amis. Mon militantisme associatif pour le vélo s’arrête là. J’en parle quand même à mes collègues de travail. Certains ont découvert la petite reine et ne jurent plus que par elle.
Je râle beaucoup contre le manque criant d’infrastructures cyclables, contre les voitures qui empiètent sur l’espace des vélos et des piétons (c’est souvent le même !), contre les automobilistes qui négligent les cyclistes. Mais je continue de pédaler.
Je viens de terminer la lecture du livre de Stein Van Oosteren (que je suis sur Twitter : @LCyclable) : Pourquoi pas le vélo ? Évidemment, il ne m’a pas convaincu de me mettre au vélo : mais si je n’avais pas déjà été cycliste, j’aurais été convaincu ! D’une part il écrit un superbe plaidoyer pour que les villes deviennent cyclables (on demande pourquoi ce n’est pas encore le cas ?), d’autre part il donne une foultitude d’arguments de bon sens, quantitatifs ou pas, argumentés, pour que tout un chacun et chacune se mette au vélo : de quoi convaincre ses amis et amies, ainsi que les autres. Presque tout ce que je me raconte en sourdine depuis des années y est analysé, réfléchit, comparé à son pays d’origine – les Pays-Bas - où tout cela existe depuis belle lurette. Enfin, c’est remarquablement bien écrit, ce qui fait que l’ouvrage se lit agréablement.
Beaucoup de choses ont évidemment été écrites sur le vélo, que je n’ai pas lues. J’ai néanmoins le souvenir de l’article de Philippe Descamps dans le Monde Diplomatique : « Comment le vélo redessine la ville », qui montre une idéologie française biaisée, symptomatique. Cet article montre également que souvent, en France, les quelques rares infrastructures existantes pour le vélo ont souvent été faite à l’opposé de ce que l’expérience des villes du nord, comme Amsterdam, révèlent. Les élus français, dans leur arrogance légendaire, n’auraient-ils de leçons à recevoir en la matière ? Pourtant ces villes danoises ou hollandaises expérimentent la circulation urbaine de manière massive en vélo depuis des décennies : ils auraient tout intérêt à s’inspirer de ces expériences pour éviter les impasses classiques. Et accessoirement à enfourcher un vélo pour parcourir leurs villes avant de faire des plans cyclables en dépit du bon sens. La pratique en dit souvent bien plus que la théorie en la matière.
Je suis allé me balader à Amsterdam il y a une quinzaine d’année, j’avais été subjugué par l’omniprésence des vélos : ils étaient absolument partout dans ce qui me paraissait une joyeuse cacophonie. J’ai également fait un peu de vélo plus récemment (en touriste) à Munich, et là, ça ne rigole pas : tout est réglementé, on ne sort pas du cadre, mais les vélos sont partout aussi, avec les piétons et les voitures, chacun à sa place. Et ça fonctionne parfaitement !
Le livre de Stein Van Oosteren est à la portée de toutes et tous, il devrait être le livre de chevet de tout élu. Il a ceci de remarquablement optimiste qu’il montre qu’un tournant politique a eu lieu ces deux dernières années, désormais, les dirigeants, y compris le ministère des transports, sont à l’écoute du vélo. L’espoir que les choses changent, que nos villes deviennent, enfin, vivables, se fait jour. Il reste des élus accrochés à la voiture comme la bernicle à son rocher. Citons Orsay que je dois traverser chaque jour, où les entraves à la circulation des vélos se multiplient, où y faire circuler des enfants provoque un stress à chaque tour de roue, alors qu’elles diminuent, au contraire, dans d’autres communes limitrophes (à Palaiseau, c’est certes très timide, mais ça va au moins dans la bonne direction !). Comme quoi la ville cyclable n’a pas de couleur politique. C’est seulement un minimum de clairvoyance avec un peu de (bonne) volonté. L’argent, comme souvent en politique, n’est pas un problème, c’est seulement une question de priorités.
Un livre plein d’espoirs, à mettre entre toutes les mains, cyclistes ou pas. Surtout non cyclistes, d’ailleurs !
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