Les tribulations d’un (ex) astronome

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Quand le grimpeur s’évade...

mardi 22 novembre 2005 par Guillaume Blanc

Les parisiens ne se refusent rien. Pas même un week-end exotique au pied de quelque falaise provençale. Pour ce faire, ils mettent en œuvre des moyens à la hauteur de l’opération : un car-couchette !

J’avais pas mal entendu parlé de ces fameux car-couchettes qui permettent de s’échapper de la ville. J’ai entendu mainte légendes courir à leur sujet. Et finalement, en bon cartésien que je suis, j’ai décidé d’aller y voir par moi-même. C’est ainsi que je me suis inscrit simultanément au GUMS et à mon premier car-couchette affrété à l’occasion du long week-end du 11 novembre, pour aller grimper/balader dans la Drôme provençale, à Buis-les-Baronnies. Le rendez-vous était à 21h à Denfert-Rochereau, jeudi soir...

Jeudi soir. Je sors du boulot pas trop tard. Je rentre dans mes pénates le temps qu’il faut pour mettre mon matos d’escalade (corde de rappel, chaussons, dégaines, baudriers, sangles diverses et variées, etc), mon super duvet, mon matelas autogonflant, ma tente, mon réchaud, ma popote et du gaz, trois fringues de rechange, un bout de savon, une brosse à dents avec son dentifrice, une polaire, un gore-tex, de la bouffe pour survivre sur place pendant une journée au moins, des boules quiès pour mettre toutes les chances de mon côté dans le car puis sur place, dans la tente, un sac à viande pour le car, un peu de lecture (la météo n’est pas complètement optimiste), la frontale, une paire de vieilles pompes pour balader s’il pleut, un bonnet pour si les soirées sont fraîches. Et voilà. Restait à faire tenir tout ce boxon dans mon sac à dos. Soixante-quinze litres, mais ce fût juste, juste. J’ai dû prendre un petit sac (ventral) et me trimbaler la tente à la main. Tente qui ne servira pas, en fait. C’est donc chargé comme un bourricot, après avoir ingurgité une tartine de fromage, je fonce vers le RER. Incroyable le temps nécessaire pour faire rentrer un certain volume de choses dans un sac dont le volume est plus petit. M’enfin...

Le RER se remplissait au fur et à mesure que Paris approchait. Ça va être sport pour se frayer un passage vers la sortie. Et ce fut sport ! J’ai dû écraser quelques pieds, estropier quelques voyageurs qui n’avaient pourtant rien demandé, mais j’ai réussi à m’extirper du wagon, avec mon barda, ce qui représentait déjà un exploit en soi. Direction le fameux fleuriste. Sur le chemin deux bonshommes avec des sacs plus ou moins de ma même taille que le mien. Des gumistes, assurément. Je les suis, pour finalement découvrir, derrière un coin de rue, un tas hétéroclite de gens, de sacs, de vélos... Beaucoup de gens. Ça m’impressionne. Je ne connais personne. Si peu. Je fais mon timide. J’attends. J’attends ce que tout le monde attend : le car.

Le voilà, ce fameux car. Extérieurement, tout est normal. Un car normal. Bon. J’attends que l’on me dise d’aller enfourner mon barda dans la soute, puis je vais jeter un œil dans l’habitacle. Deux rangées de couchettes de chaque côté de l’allée, sur deux hauteurs. En fait ce sont les sièges qui se pivotent astucieusement pour faire des lits ! Je m’imaginais des sièges inclinables, un peu comme dans les trains, mais non, c’est infiniment mieux, ce sont de véritables lits, avec toute la place nécessaire pour allonger les jambes, sur lesquels nous allons dormir ! Un palace, en somme... Une fois le feu vert donné, c’est la course à la couchette. Comme je débute, ben, euh, je ne fais pas la course. Je me retrouve coincé vers l’avant, une couchette de libre au rez-de-chaussé à ma gauche. Je m’immisce dans l’interstice. Je m’installe, déploie le sac à viande, quitte le fute et le pull, récupère une couverture, et le tour est joué. Ça discute ferme dans l’allée. Je ne connais encore personne. Étrange situation. Je bouquine un peu, j’écoute les conversations (si j’osais je le leur dirais que non, Maurice Herzog n’est pas mort. Vieux, certes, mais encore vif !). Le plafond n’est qu’à 30 ou 40 centimètres au dessus de ma tête. C’est largement suffisant. De quoi respirer, et se retourner. Claustrophobes, s’abstenir. Encore que.

La nuit fût hachée. Non pas que ce fût vraiment inconfortable, c’est même plutôt berçant que de dormir baloté par le tangage du car, et son doux ronronnement, mais la lumière orangeâtre des lampadaires de l’éclairage urbain filtrant par moment entre les rideaux, et quelques pensées parasites (Où suis-je ? Que fais-je ? Où vais-je ?) m’empêchèrent ponctuellement de dormir d’un sommeil réparateur. D’autant, qu’il y avait du retard en la matière. Néanmoins les boules quiès aidèrent, et je dormis quand même puisque je me suis réveillé au petit matin, à peine arrivés à destination. Se réveiller dans la fraîcheur provençale, quel pied ! Une nuit magique, en somme !

Avant tout, planter la tente. Finalement la mienne ne servira pas, je suis invité à partager celle de Dominique qui est bien plus grande. Cool ! Et à peine celle-ci montée, hop, réchauds, et p’tit-déj’ sous le petit auvent, dans la fraîcheur matinale. Après quoi, direction la falaise, on est là pour ça, autant ne pas mollir. Je remplis le sac à dos avec la corde, les dégaines, le pique-nique, une gourde de flotte, le tout pêle-mêle. Et c’est parti. Traversée du village, Buis-les-Baronnies, puis ascension de la route qui passe à proximité de la falaise.

La falaise. Rocher Saint Julien. Espèce d’écaille au sommet d’une colline, écaille dorsale d’un reptile monstrueux, dinosaure gigantesque figé la pour l’éternité pour le plaisir des yeux et de la grimpe. Toute la face sud, au Soleil, est équipée. Des voies très jolies de deux à trois longueurs (je vais réviser les manips de cordes !), sur une centaine de mètres de hauteur, en moyenne. Avec descentes en rappel dans les voies.

Trois-quart d’heure de marche d’approche depuis le camping. Une petite mise en jambe. Vendredi 11 novembre, grand beau. Le Ventoux s’impose sur l’horizon sud. Juste en face. On grimpe en tee-shirt. Il fait super chaud. Je suis encordé avec Dominique. En milieu d’après-midi, la nuit chaotique, une certaine accumulation de fatigue ont raison de moi. Je capitule. Lui trouve un autre compagnon de cordée. Moi je cherche vaguement quelqu’un que je connais au pied de la falaise. Je finis par déclarer forfait : plein de monde, mais aucune connaissance. Normal, je connais personne. Je m’installe donc dans un coin pour mater le coucher de Soleil. L’astre du jour ne me décevra pas... Descente vers le village, je croise un petit groupe de gumistes. Je m’incruste. On va boire un coup. On fait connaissance. Intégration engagée. Le soir, nous autres, campeurs, nous nous invitons dans un chalet. Manger des pâtes au chaud, sur une table, avec des chaises, et même la lumière. Et en bonne compagnie.

Ce soir-là, je vis pour la première fois un halo de 22 degrés autour de la Lune. Un cercle de lumière blafarde produit par la réfraction des rayons lunaires dans des cristaux de glace prismatiques qui peuplent la haute atmosphère. Je suis resté rêveur devant cette discrète manifestation des beautés de la nature...

Samedi matin. Pluie. Et pourtant, et pourtant... Nous allons sur les Gorges d’Ubrieux, plus près. Des voies plus petites, de la pluie qui a failli nous faire plier cordes et dégaines à plusieurs reprises, mais non. Ce n’est qu’en fin d’après-midi, quand une averse se met à lessiver le rocher que nous déclarons forfait. Nous ne sommes pas assez fort pour grimper au sec. Le 7b sous les toits, ce sera pour dans une autre vie. Ce soir-là, pâtes dans un autre chalet. On se balade, on visite, on se fait inviter quand on est campeur ! Le chalet a en outre l’avantage de protéger de la pluie. Accessoirement.

Dimanche. Nuageux, mais sec. Direction le rocher Saint Julien. Encore des moyennes-grandes voies en perspective. Ce jour-là je grimpe jusqu’à la nuit. Qui tombe tôt à cette époque. Le dernier rappel fût fait entre chien et loup. Mais nous ne fûmes pas les derniers... Retour au pas de course au camping. Le car attend. Ça sent le retour. Camping fermé pour hivernage. Plus de chasse d’eau dans les chiottes : je m’en aperçois après avoir soulagé ma vessie dans une pissotière. Oups... J’emballe mon fatras vite-fait bien-fait dans mon sac. Enfin, non, pas bien fait : en vrac, il était encore plus haut qu’à l’aller. Plus grand. Et je n’ai même pas ramené de souvenirs ! Souvenirs matériels, j’entends, parce que j’ai la tête pleine d’images, des biceps douloureux, quelques écorchures, une poignée de photos pas terribles, terribles. Bref, c’est donc arnaché de la sorte, avec le gros sac sur le dos, le petit sur le ventre (et non, les kangourous n’ont rien à voir dans l’histoire), et la tente à la main (elle est contente, ma tente, elle a bien pris l’air...), que je me dirigeai vers le car à l’entrée du camping. Camping fermé. Lumières éteintes. Seul un lampadaire répandait un halo blanchâtre dans la nuit ambiante. Quand je traversai ce cercle immaculé, quand une ombre furtive, sur le côté me fit faire un bond. Monstre difforme, enchâssé d’une protubérance démesurée dans un dos bossu. Les premières palpitations retombées à un niveau décent, je m’aperçus que cette ombre, c’était moi...

Après un repas au restau — tradition oblige — qui se termine avec une heure de retard (ben oui, le restau du coin, son cuisinier et sa serveuse n’est pas habitué à servir 30 personnes d’un coup !), départ. Je retrouve ma couchette, le livre que j’avais oublié. Les lumières ne tardent pas à s’éteindre. Je dors plutôt pas mal. Réveil au petit matin, place Denfert-Rochereau. Il est 6h, Paris s’éveille...


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