Les tribulations d’un (ex) astronome

R.E.R., le Maudit

vendredi 10 janvier 2014 par Guillaume Blanc

Je viens de résilier mon abonnement annuel pour le RER. RER. R.E.R. Réseau Express Régional. Il paraît que c’était le cas, fut un temps. Il paraît qu’on réglait sa montre sur le RER B, fut un temps. J’habite à Palaiseau, je travaille — travaillais — dans le 13e, à Paris. Enfin, j’y travaille toujours pour une partie de mon temps, RER B, on va se revoir, malheureusement.

Parfois, il lui arrive d’être express, au RER. Quand il est miraculeusement à l’heure, que ce n’est pas l’heure de pointe : si je pars à 10h du matin, il y a une petite chance pour qu’une heure plus tard je sois dans mon bureau. Mais la probabilité inverse étant bien plus élevée, il ne me faut pas d’impératif. Si je dois enseigner à telle heure, alors je dois prendre mes précautions. Au moins 45 minutes de marge. Au cas où. Car le cas où arrive, forcément. Une fois, cet automne, — ayant cours à 9h, je dois me lever à 6h15, pour prendre le RER de 7h24 grand max —, il eut 20 min de retard, ou bien fut supprimé, allez savoir. Même l’application RATP sur mon smartphone ne savait rien. Plutôt que de poireauter au chaud chez moi, j’ai dû poireauter dans le vent sur un quai sans abris car en travaux, devant le fait accompli : pas de train. Le train suivant arrive, en décalage sur la grille horaire, forcément, bondé, forcément, train à la lenteur exaspérante, forcément omnibus. Et bondé. Résultat je fus juste à l’heure pour mon cours. Heureusement que je prends de la marge ! Et quelle marge !

Depuis deux ans, j’ai fini par trouver un pis-aller. Comme je prends un bout de RER C pour finir mon trajet, j’ai décidé de prendre le RER C systématiquement pour rentrer une fois ma journée de labeur accomplie. Jusqu’à Massy-Palaiseau, puis un petit bout de RER B jusqu’au terminus, Lozère. Moindre mal [1]. L’avantage de cette solution, même si le trajet dure plus longtemps est que je suis assis. Vous n’imaginez pas le bonheur que c’est d’être simplement assis pendant 45 min, plutôt que debout entassé — compressé — les uns contre les autres. Assis, je peux bouquiner paisiblement, écrire, travailler même. Debout, je peux éventuellement bouquiner acrobatiquement, un peu comme ces animaux, les grues, qui paradent sur une patte, mais surtout passer en mode survie. Car contrairement au transport de cochons, le transport de chair humaine n’est régit par aucun texte, aucune circulaire, aucune loi, si ce n’est celle, physique, de la compression maximale. Aucune surface ou volume vital minimale pour un être humain : on en met tant qu’on peut. Tant que ça gueule pas trop fort dans la rame. Donc, à défaut de voyager rapidement par l’express RER B, je prends mon temps dans le RER C. En moyenne, j’y gagne : l’express RER B est le siège de tellement d’incidents, accidents, panne, grèves, retards en tout genre, j’en passe et des meilleurs, que finalement, en moyenne, je gagne du temps. Je gagne quoiqu’il en soit, surtout de l’énergie : c’est épuisant, à la longue, de jouer la grue entre deux épaules, en essayant tant bien que mal de jouer des chevilles pour répondre activement aux soubresauts de la machine et ne pas s’étaler sur ses voisins. Encore que parfois, on tient debout tout seul, figé dans une masse informe mais qui ondule doucement sous les assauts de la bête.

Le RER B est saturé. Trop de gens l’empruntent, et trop peu de trains circulent pour dispatcher tous ces gens ici et là. Alors à défaut d’acheter de nouvelles rames, on rénove les anciennes, ce qui signifie mettre un coup de peinture pour faire croire que, et surtout supprimer des places assises pour pouvoir entasser encore plus de monde. Trafic de chair humaine banlieue-Paris. Le pire c’est que nos dirigeants construisent à tour de bras des logements entre Massy et Palaiseau, sans s’imaginer une seule seconde que les transports vers Paris sont saturés. Sans compter l’aménagement du plateau de Saclay [2] On aménage, on bétonne, sans penser comment transporter les gens qui vont venir habiter, travailler, là.

Le soir, pour une raison que j’ignore, les trains sont courts, donc moins longs, et avec une fréquence de deux par heure seulement, quand dans la journée c’est plutôt quatre pas heure voire un peu plus pendant les heures de pointe. Pourquoi le soir doit-on non seulement attendre des plombes en gare, mais encore se retrouver entassés sans pouvoir s’asseoir ?

Quant à la chaleur estivale, ben faut faire avec. Ainsi entassé sans système de climatisation, on se demande comment il n’y a pas plus de morts dans le RER. Même chose pour pisser : pas de toilettes. Et quand bien même : quand on est bien coincé les uns contre les autres, rejoindre un improbale chiotte pour aller pisser...

Et curieusement, le voyageur transilien est plutôt bonne pâte : il subit, mais se révolte peu. Fataliste ? À peine un petit râle quand la compression qu’on lui imprime dépasse certaines limites. Limites toujours un peu plus restreintes, plus le temps passe. On s’habitue, probablement. Et comme ça empire doucement et non pas brutalement, on trouve ça presque « normal. »

J’ai cherché une association d’usagers, je n’ai rien trouvé, à part des associations « locales » : le comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse, ceux pour la branche nord de la ligne, d’autres, ici et là. Mais ça reste marginal, en catimini. Certes les communes desservies tentent bon gré mal gré d’agir, de faire remonter la poignée de plaintes qui leur arrivent. Mais une seule véritable association de l’ensemble des usagers de la ligne B, ça aurait de la gueule. Et du poids. Parce que j’oublie dans la longue litanie : mais quand tout pourrait aller bien : pas de colis suspect en gare du Nord, pas d’accident grave de voyageur à Massy-Verrière, pas de problème d’aiguillage, de bouchons, d’avarie matériel, de caténaire, de neige, et j’en passe, ce sont les conducteurs des trains du RER B qui font la grève...

Et si les usagers prenaient leur destin en main ? Aller, une association pour se fédérer !

Dans le couchant...
Pour finir sur une petite note poétique !

[1Enfin, moindre mal, faut quand même le dire vite. Trop souvent je mets autant de temps pour faire Massy-Palaiseau-Lozère, soient trois stations, que Bibliothèque-Massy en RER C. Simplement parce que je dois poireauter des plombes à Massy. Et poireauter à Massy n’a rien d’une sinécure : pas de sièges pour s’asseoir, pas d’abris en cas d’intempéries ou de froid... Ce soir, 10 janvier 2014, j’ai encore attendu plus de 30 min qu’un RER veuille bien s’arrêter à Lozère. Deux sont passés, direct pour Orsay. Quasiment vides, quand une foule avait fini par s’amasser sur le quai, attendant, patiemment qu’un train veuille bien leur faire faire les quelques kilomètres nécessaires pour rentrer chez eux. En plus la plupart du temps, un train arrive en gare, on ne sait pas s’il est omnibus ou pas. Une fois sur deux, l’affichage du quai — il faut se tordre le cou au-dessus des voies pour le voir tellement il est mal placé — est en contradiction avec la mission réelle du train... IN-SU-POR-TA-BLE !

[2Un joli truc que ça : des terres agricoles parmi les plus fertiles de France qui disparaissent à jamais sous le béton. Sans parler de mon parcours de course à pied en rase campagne.


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