Voyage en absurdie
En ces temps perturbés pour la raison, quand des dirigeants édictent la vérité scientifique, quand l’humanisme s’efface devant le mensonge, l’égoïsme, le profit, le nationalisme, il faut d’autant plus préserver des enclaves de rationalisme. Une balade en montagne et l’esprit revient clair, pour un temps, les noirceurs de l’actualité balayées par les vents, et surtout par la beauté des paysages, la simplicité des rapports humains, là-haut. L’humilité qui en découle. Pourtant, même ça n’est pas acquis. Parfois même les turpitudes que font peser sur nous nos incompétents dirigeants se retrouvent peser sur nos montagnes, ces petits coins de libertés et de bonheurs simples. Quand une région essentiellement montagneuse coupe la bourse des associations tournées vers la protection de l’environnement, et qu’elle finance le développement outrancier des stations de ski, avec force bétonnage, neige artificielle, pylônes, nivellement, aplanissement — la nature n’a qu’à bien se tenir et se couler dans le moule ! — on peut se demander s’il faut en rire ou en pleurer. Et quand elle en rajoute une couche en finançant le lobby de la chasse sous prétexte que la protection de l’environnement, ce sont eux, on croit toucher le fond ! La bonne nouvelle, c’est que la rationalité finira forcément par triompher, tôt ou tard. L’autre bonne nouvelle, c’est que la résistance citoyenne contre l’obscurantisme s’organise : l’association de protection de la montagne Mountain Wilderness n’a jamais eu autant d’adhérents (mais adhérez quand même, ça reste encore dérisoire !), la consultation citoyenne « Demain, la montagne » bat des records (mais racontez-y quand même votre idée de la montagne de demain)… Allez, gageons que la lumière n’est pas loin, chandelle encore fragile frémissant dans les bourrasques, mais à notre portée, telle un refuge salvateur dans la tourmente.
Guillaume Blanc
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